Les cartes de vacances

 

je marche

à côté de moi

mais il m'est im-

possible

de sortir de ce corps

 

de sentir

en dehors

cette terre

qui se meut

et nous ment

 

en restant plate

comme l'horizon

dans un matin d'été

par la porte dérobée

 

on ira

défiler les villages....

qui dansent sous l'orage

on ira

défiler les villages

mais pense!

aux cartes des vacances...

 

il fait chaud dans le train

j'essayerai bien demain

que de temps ai-je perdu

à croire en nos vertus

tu n'es qu'une mal blessée

je ne suis qu'un Magellan

du dimanche matin

qui fait le tour du

magasin...

(...)

 

Il est temps de partir

Au quatrième étage

On cassera nos conflits

Dans la consigne à bagage

Je vous laisse ici

La route marche aussi

Finalement je pense

Nous ne sommes pas le centre

Car on reste

Au bord de la vie

Pour ne pas la froisser

Comme une fille mal blessée

 

On ira

Défiler les villages

Qui dansent sous l'orage

On ira

Défiler les villages

Mais pense

Aux cartes des vacances

 

Et je voudrais revenir

Sur la piste de danse

Quand nous étions ensemble

Sur les cartes de vacances

Et je voudrais parcourir

La route des secondes chances

Quand nous étions ensemble

Sur les cartes des vacances

 

 

Plusieurs niveaux d’analyse

1. La césure poétique sonore qui crée du sens 

 

Dans la première strophe, le chanteur choisit délibérément de couper « mais il m’est impossible de sortie de ce corps » pour signifier que son moi l’éteint (il m’éteint). Il signifie avoir un problème avec son identité.  On renforce directement le côté décalé du narrateur

Je marche.

À côté de moi…


Comme s’il était l’ombre de lui-même, à côté de ses pompes


2. Le jeu de mot qui crée du sens

 

Un jeu de mot est créé pour cultiver la polysémie. Ici, le terme « mal blessée » renvoie à « mal baisée » pour dénoncer des insultes proférées envers des femmes, notamment dans des disputes conjugales. Ce jeu de mot renvoie à la blessure et renforce le point 3.

On « cassera » nos conflits dans la consigne (et pas caser)

On reste au bord de la vie pour ne pas la froisser

« Au bord de la fille »… -> référence à la robe -> invitation au respect des femmes

« Sortir de ce corps » -> sortie de secours

Porte dérobée -> renvoie à la robe

« possible », « peau cible »

 

Le chanteur utilise souvent des détournements d’expressions dans ses chansons

« La vie est un long deuil tranquille » < La vie est un long fleuve tranquille (film)

« Tweet sur seins trompés » < Twist à Saint Tropez


Les jeux de mots se situent également dans ce travail de détournement

 

 

3. Le double sens de la chanson : a) il s’agit d’un côté d’une dispute de couple à propos de la destination de leurs vacances mais aussi du sens que l’on donne à celles-ci (il faut raconter nos vacances en pensant d’abord aux cartes postales à envoyer, la désillusion de l’homme qui promet le tour du monde cf. Magellan mais fait en fait le tour du magasin le dimanche… On renvoie l’homme à son côté minable ; on « casse » et non pas « case » des conflits dans la consigne à bagages.. où sont les valises ?  b) Une réflexion sur la place de l’humain dans la cosmologie : le corps (nous sommes à côté de notre corps), la route (qui est en mouvement), le village, la terre (que nous ressentons plate alors qu’elle est ronde et dont certains veulent faire le tour), la dénonciation de l’anthropocentrisme et de la domination de la nature (l’homme qui se croit le centre du monde) une invitation à rester au bord de la vie, à ne pas dominer la nature « pour ne pas la froisser » … Fuir, rester, accepter notre place, notre finitude ?

 

La chanson m’ a été inspirée par des gens qui passent plus leur à montrer qu’ils sont en vacances sur les réseaux plutôt que de vivre leur expérience de façon intense….

 

On comprend à la fin dans la partie POST SCRIPTUM de la chanson (comme un post scriptum à la fin d’une carte postale) qu’un des partenaire pense à la relation passée, que tout se passe dans sa tête et qu’il souhaite une seconde chance, quitte à réinventer sa vie en cartes postales

 

 

4. Création d’images surréalistes, de phrases poétiques qui n’ont pas de sens grammatical mais créent des images, un mystère, une peinture

 

« il est temps de partir

Au quatrième étage »

 

  • Absurdité

 

« on ira défiler les villages

qui dansent sous l’orage »

 

Ce vers m’est inspiré par les trains car on voit les villages défiler comme des cartes postales -> cartes de vacances

 

 

 

 

 

 

 

NOTES SUPPLEMENTAIRES

 

Dans mon écriture, je suis inspiré par Bashung et Jean Fauque qui disaient qu’il fallait créer des chansons à tiroirs, avec plusieurs significations

La musique est d’inspiration sixties années 60 (avec le la la la qui fait un peu passer à des musiques de film de Claude Lelouch mais également au générique des Drôles de dames) pour donner un côté joyeux, féérique alors que ce couple est un peu minable, mais c’est leur côté minable qui les rend touchant -> ils se posent des questions métaphysiques (le corps, la route, le cosmos, le monde) alors qu’ils doivent partir en vacances et montrer aux autres qu’ils sont partis.
 


Le clip donne une autre signification avec ce voyage dans le temps et les trois filles qui accompagnent une sorte d’agent secret  -> on passe ses vacances dans le temps, mais d’abord en 1969 Woodstock réinventé -> hommage à James Bond, Charlie’s Angels, aux années hippies, aux années 20… Années durant lesquelles règnent un sentiment de liberté qui succèdent aux horreurs de la guerre (1ere guerre mondiale, 2e guerre mondiale)… Puis le futur : des buildings déshumanisés, et la fuite , retour à la campagne… La fin est un hommage à la grande Vadrouille.  Le fait de croiser des personnages que le narrateur aime (Amy Winehouse dans les années 20, anachronisme, mais aussi Georges Simenon, le côté vintage des vieilles voitures) renvoie à la volonté de fuite, fuite de sa vie, fuite du quotidien -> est-ce le sens des vacances ?

 

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