I.
Encore ce pont rouillé
Qui a vu tant de pas
Tant d’étés tangos
Brouillons de nos sourires
Sous capes et d’épées
Les volutes insouciantes
Des pêcheurs à la ligne
II.
Encore ce disque rayé
qui bégaye sur ces mots
« Je reviens te chercher
Je savais que tu m’attendais »
Les poussières de ta gorge
Étouffaient les paroles
de nos vies crépitantes
III.
Encore l’anthologie jaunie
Sers-moi sous l’aubette
une coupelle d’obsolète
Une rondelle de citron
Caresse-moi oubliant
Que j’ai un corps qui parle
une langue caduque
tressée de mots oubliés
pieux trésors exhumés
pour mieux respirer
les étoffes de réel disparus
IV.
Encore une fois, tu creuses
Tu as fouillé dans le silence
De tes parents les racines
de ta mélancolie fondatrice
Tu as cherché ce qui ne peut se dire
Qu’à travers un regard
face à la véranda
Où s’abandonne la pluie
V.
Encore une fois
Ériger la réitération
Au rang de joie
Répéter le motif
Comme dans une pièce de jazz
VI.
Encore affirmer
ne plus réagir
Ne plus se poser en s’opposant
Envoyer paître ces phrases
Autant idiotes qu’invalides
« Je respecte tes idées, respecte les miennes »
« Enfin c’est mon avis »
« Je n’ai pas à me justifier »
VII.
Encore une fois
Contempler
L’adugeoir au creux de la roche
Prolégomène d’un conte
il était une fois il y a bien longtemps
l’éphémère promenade dans le soi
Pendant que le fou n’y était pas
Les corps s’éternisaient
Les atomes s’inclinaient
Les âmes criaient victoire
emportaient le butin
des caresses dérisoires
VIII.
Encore une fois
Tu te dores aux thrénodies
Épouses le syndrome de la peau blanche
L’angoisse des âmes calcinées
Tournées sept fois dans la fange
Mises à l’index par l’anathème
Contemporain jeté sur les versets
Où se lisent en filigranes
Les traits saillants
des fantômes charnels
Qui invoquaient Dieu sur une montagne
IX.
Tu divagues
Par arborescences
Tu prends l’esprit de l’escalier
Sans ascenseur social
Désolé j’étais au 9e siècle
avant l’infini
Laissez moi le temps
D’émerger
X.
Les lampes se fanent
au creux de la nuit
Entre tempe et temple
une aile de différence
XI.
L’insomnie ne cesse
de ruisseler
De sceller les sorcelleries
Qui réitèrent ta soif de l’insatiable
Et de l’essentiel
XII.
Le futur est contraire aux destinées rêvées
Le présent déçoit - parfois
Le passé est un refuge idéalisé
Ou un exutoire
pour les chercheurs de bouc émissaire
Il est peut-être temps
D’envisager
Un quatrième existential
Une temporalité encore inconnue
Comme une nouvelle planète
Sur terre