Journal de bord /3 - Adugeoirs

 

I.

Encore ce pont rouillé

Qui a vu tant de pas

Tant d’étés tangos

Brouillons de nos sourires

Sous capes et d’épées

Les volutes insouciantes

Des pêcheurs à la ligne

 

II.

Encore ce disque rayé

qui bégaye sur ces mots

« Je reviens te chercher

Je savais que tu m’attendais »

Les poussières de ta gorge

Étouffaient les paroles

de nos vies crépitantes 

 

III.

Encore l’anthologie jaunie

Sers-moi sous l’aubette

une coupelle d’obsolète

Une rondelle de citron

Caresse-moi oubliant

Que j’ai un corps qui parle

une langue caduque 
tressée de mots oubliés

pieux trésors exhumés

pour mieux respirer

les étoffes de réel disparus

 

IV.

Encore une fois, tu creuses

Tu as fouillé dans le silence

De tes parents les racines

de ta mélancolie fondatrice

Tu as cherché ce qui ne peut se dire

Qu’à travers un regard

face à la véranda

Où s’abandonne la pluie

 

V.

Encore une fois

Ériger la réitération

Au rang de joie

Répéter le motif

Comme dans une pièce de jazz


VI.

Encore affirmer

ne plus réagir

Ne plus se poser en s’opposant

Envoyer paître ces phrases

Autant idiotes qu’invalides

« Je respecte tes idées, respecte les miennes »

« Enfin c’est mon avis »

« Je n’ai pas à me justifier »

 

VII.

Encore une fois

Contempler

L’adugeoir au creux de la roche

Prolégomène d’un conte

 

il était une fois il y a bien longtemps

l’éphémère promenade dans le soi

Pendant que le fou n’y était pas

Les corps s’éternisaient

Les atomes s’inclinaient

Les âmes criaient victoire

emportaient le butin

des caresses dérisoires

 

VIII.

Encore une fois

Tu te dores aux thrénodies

Épouses le syndrome de la peau blanche

L’angoisse des âmes calcinées

Tournées sept fois dans la fange

Mises à l’index par l’anathème

Contemporain jeté sur les versets

Où se lisent en filigranes

Les traits saillants

des fantômes charnels

Qui invoquaient Dieu sur une montagne

IX.

Tu divagues

Par arborescences

Tu prends l’esprit de l’escalier

Sans ascenseur social

Désolé j’étais au 9e siècle

avant l’infini

Laissez moi le temps

D’émerger

 

X.

Les lampes se fanent

au creux de la nuit

Entre tempe et temple

une aile de différence

 

XI.

L’insomnie ne cesse

de ruisseler

De sceller les sorcelleries

Qui réitèrent ta soif de l’insatiable

Et de l’essentiel

 

XII.

Le futur est contraire aux destinées rêvées

Le présent déçoit - parfois

Le passé est un refuge idéalisé

Ou un exutoire

pour les chercheurs de bouc émissaire

 

Il est peut-être temps

D’envisager

Un quatrième existential

Une temporalité encore inconnue

Comme une nouvelle planète

Sur terre

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